La plupart d’entre nous voit une scène improvisée comme une suite d’idées :
- Tu me donnes une idée
- Je dis oui à ton idée
- Je rajoute une autre idée derrière
C’est ainsi qu’on interprète à tort l’exercice du « Oui et… » .
Or, si on voit une improvisation non plus comme une suite d’idées mais comme une série d’impulsions auxquelles on se rend disponible pour laisser notre état se transformer, alors là on assiste à des scènes dans lesquelles on verra moins d’idées, elles pourront même tourner autour d’une seule idée, mais elles iront bien plus en profondeur dans le jeu, toucheront à plus de variété d’émotions, donneront la sensation de faire vivre des relations plus réelles.
…Mais là attention ! Pour ça il ne faut pas être des mauviettes. Or, nous sommes tous plus ou moins victimes du « Syndrome de la mauviette ». (Carol Hazenfield le nomme « The wuss disease ».)
Quelques exemples de situations improvisées que nous avons vues et revues et où nous avons été des mauviettes.
Une rencontre amoureuse dans un jardin public
Elle : « je vous aime… » et s’approche pour l’embrasser
Lui : « Ah ben oui ! Je vois çà….. »
Mauviette ! Elle vient de dire qu’elle t’aime, elle veut t’embrasser !!! C’est tout l’effet que ça te fait quand quelqu’un te déclare sa flamme ? Regarde-la dans les yeux et laisse-toi modifier !
Un couple se dispute.
Lui : « Je te quitte, je pars »
Elle : « Ok, pas de soucis… » et elle ouvre la porte…
Mauviette ! Ca fait dix ans que vous êtes ensemble, vous venez de vous disputer violemment, dis pas que tu te fiches qu’il parte ! Tu t’en fiches pas nom d’un chien ! Ca te déchire qu’il parte, reconnais le, et laisse ton état se transformer parce que tu es déchirée!
Un bourreau et son supplicié
Le bourreau « A genoux ! »
Le supplicié « Ok !… Comme ça, ça vous va ? »
Mauviette ! Ok … quoi ???? N’importe quoi ! On va te tuer là ? Si on te tue tu vas réellement dire « Ok » ? Non….Tu t’accrocherais à la vie et tu le supplierais de te laisser en vie. Alors vas-y !!!
Pourtant, techniquement, dans ces scènes, le deuxième a dit « Oui » au premier…Mais avec ce « Oui » il a détruit la première proposition car il ne l’a pas valorisée en se laissant impacter par cette offre, en se rendant disponible à la transformation. Mais pas facile de jouer un personnage amoureux, humilié, suppliant, triste…Non pas facile et pourtant qu’est ce qu’on risque ? C’est notre personnage qui est amoureux, humilié, suppliant ou triste…Pas nous ! Par trop d’ego ou trop d’orgueil, on résiste aux changements auxquels les impulsions nous soumettent, on ne donne pas le droit à la scène d’être le lieu de vraies relations, d’émotions variées. Du coup, par facilité, on restreint l’improvisation à un divertissement qui fait rire.
On a de l’or dans les doigts et on ne le réalise pas!
Elargissons les champs des possibles. L’improvisation a un vrai potentiel artistique. N’ayons plus peur de l’exploiter.
Références
- Workshop avec Patti Stiles organisé par les smoking sofa
- Article sur le blog de Patti Stiles: « Scenes that matter »
- Acting on Impulse de Carol Hazenfield.
Ouardane
19 octobre 2011C’est rigolo, j’ai un article très similaire dans les brouillons de mon blog =D
Mais il était moins bien (trop agressif), alors je suis content de lire ce billet !
J’ai entendu une petite phrase que j’ai trouvé très juste hier soir :
Souvent, l’accumulation d’éléments en impro fait qu’on ne va en profondeur dans rien, et on a l’impression de vivre une grande aventure, parce qu’on a commencé ça, mais on a laissé tombé, puis on a commencé un autre truc, et on est pas allés plus loin… On a au final vécu la Grande Aventure du Rien.
Elaine
19 octobre 2011Comme quoi, Patti nous a tous faits réfléchir dans le même bon sens!